- C’est placement libre, monsieur.
- Alors, je me mets où j’veux ?
- Monsieur est drôle !
- Mademoiselle est rémoise ?
- Monsieur à deviné !
Tu parles, ce n’était pas difficile. Ensuite je rentre dans l’église. J’ai beaucoup de respect pour ces lieux de culte, mais celle là, elle n’a pas était vouée aux ingénieurs du son. Plafond à cassettes, sol majeur carrelé et colonnes en marbre tout ce qu’il faut. Ce n’est pas un auditorium, c’est une chambre d’écho. Si tu te place dans le fond, tu peux être sûr que quand un son part du maître autel, t’as encore le temps de sortir pisser, de rouler une cloppe, de boire une bière et de revenir tranquillement pour l’écouter pendant deux heures. Malgré ce constat, je m’installe dans le fond.
Je n’y peux rien, à chaque fois c’est la même chose. Quand les artistes s’installent sous les sunlights, j’ai les larmes aux yeux, quand le chef tourne le dos en levant les bras pour donner le départ, j’ai la gorge qui se serre et quand les soprani entament leurs premier crescendo, je sors mon mouchoir. Après ça s’arrange. Difficile dans ces conditions d’être objectif.
Tout d’un coup, j’entends un bruit de synthé ! Je me dis tiens, ça va tourner en rock avec un solo de batterie au milieu. Mais, que nénies. Je tiens à prévenir de suite mes amis, et Prudence est là pour l’attester, je ne suis pas musicologue, mais juste un peu mélomane, quelques fois mélo woman, sans plus. Cela ne m’empêche pas de réfuter depuis longtemps, que pour un concert dans une église, ce n’est pas la peine de déplacer un Steinway. Un piano électrique aurait eu le même son. Surtout que, sans vouloir faire de mauvais jeu de mot, le pianiste jouait trop forte sur son piano. J’aurais fortement apprécié qu’il se fasse plus discret.
Je dois aussi rendre un hommage à Philippe Launay. Quel courage d’essayer de couvrir le piano en tant que soliste quand on a une extinction de voie. Qui a enlevé le ténor ? Y a-t-il un ténor dans la salle ? Et à cet instant, l’espace d’une seconde, je me suis dit, et Cécile, mon Dieu ! Non, j’ai confiance. Elle secoue les épaules, c’est bon signe. Elle a chanté magnifiquement, rempli la nef avec générosité, la classe. C’est comme ça qu’on déménage un piano dans les fonds baptismaux, d’un revers de main, en douceur.
Si j’étais un vrai critique musical, je ferais beaucoup d’éloge, sur le programme, intelligemment choisi, car les mélodies françaises du début du siècle dernier ont été boudées par nos compatriotes et il est grand temps de les redécouvrir, par l’homogénéité du chœur, Hélène doit placer ses chanteurs comme des tuyaux d’orgue, par la puissance et la justesse des voies, c’est un chœur à dimension international à mon sens, par la bonne idée de présenter un chœur de femmes et un chœur d’hommes qui impressionne toujours, par la vérité qui émane de ces mélodies poétiques difficiles à appréhender à notre époque de speed et aussi par la bonne idées de mettre les paroles dans le programme.